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Chroniques

Episode 0

On dit qu’au moment de mourir, on voit sa vie défiler.
Pas moi.
Je ne sais pas pourquoi, mais je ne vois qu’elle.
Son regard affolé.
Ses lèvres qui bougent pour former des mots que je n’entends pas.

Mon dieu, je ne l’entends pas.

Il y a ce bourdonnement constant dans mes oreilles.
Je n’entends rien.

Mais je la vois.
Je la vois s’affairer sur mon corps.
Je peux à peine bouger mais j’arrive à lever suffisamment la tête pour voir ses mains rouge.

Rouge de sang.
Rouge de mon sang.

Est-ce que je vais mourir ?
Je ne sens rien.
C’est bizarre non, de rien sentir ?

Oh mon dieu, je ne sens rien.

Elle a des larmes dans les yeux.
Je la fait souffrir.
Mais ce n’est pas ce que je veux.

Pourquoi pleure-t-elle ?
Elle se tourne, parle à une paire de pieds bottés.
Je connais ces bottes.
Je devrais connaitre ces bottes.

Mais pourquoi je ne me souviens pas ?

Quelqu’un s’approche et s’affaire.
Elle s’approche de mon visage et le prend dans ses mains rouge.

“Je vais te sauver, je te le promets”.

Je l’entends.
J’entends la peur, l’angoisse de me voir mourir.
J’entends la promesse de se revoir demain.

Je ferme les yeux et inspire.

“Reste avec nous Iim” me souffle-t-elle, lointaine.
Je rouvre les yeux avec une conviction que je ne pensais jamais avoir : Je ne veux pas mourir.

Pas ici.
Pas maintenant.

Mais en suis-je capable ?

Episode 1

Je tousse.

Mon dieu qu’il y a de la poussière ici.
C’est fou.
Pourtant, je suis assez maniaque pour faire le ménage tous les jours.

Yvan dit même qu’on pourrait lécher le sol.

Mais visiblement, pas assez.

J’ai chaud et il me faut un verre d’eau.

Quelqu’un toque à la porte et Julia apparait.

“Alors Iim, c’est le grand départ ?” dit-elle sans entrer totalement.

Je lui souris et l’invite à venir s’assoir sur ce qu’il me reste de canapé.

Officiellement, je suis muté dans une autre ville. Mais en réalité, je suis passé 10 et j’intègre le corps d’élite de la Lumière.

Malheureusement, chaque membre de ce corps est anonyme et je dois aussi le devenir.

Alors officiellement, je déménage.

Et officiellement, je mourrais dans quelques jours.

“C’est où que tu vas déjà ?”

“Ishmar, dans le Sud. Il va faire chaud, mais c’est une nouvelle aventure qui m’attends”

J’aime bien Ishmar. J’ai tout appris de la ville de peur qu’on ne me pose des questions. Maintenant, j’ai presque l’impression d’avoir déjà vécu là bas.

“Tu m’écriras ?”

Je rie. Julia est naïve mais si adorable. Elle ne se doute pas une seconde de mon ascension.

“Bien sûr ! Et si je trouve comment, je te ferais parvenir des escargots au chocolat. Je sais combien tu es gourmande!”

Elle râle et me tape dans l’épaule puis passe ses bras autour de mon cou.

“Tu vas me manquer” me souffle-t-elle dans l’oreille.

“Toi aussi”, dis-je en la serrant dans mes bras.

Elle s’éloigne en reniflant et je la sens au bord des larmes mais elle se reprend vite.

“Je pars en mission dans 1h alors je ne pourrais pas te voir partir, mais je te souhaite le meilleur pour la suite. J’espère qu’on se reverra.”

“Bien sur qu’on se reverra ! Je n’en doute pas une seconde.”

Elle quitte mon appartement en slalomant entre les cartons et me laisse avec un vide presque douloureux.

Je suis heureux de rejoindre les 10. C’est un rêve qui se réalise mais …

Mais j’aimais le temps passé avec mes amis. Tous ces gens qu’on a aidé au fil des ans.

Les filles qui tombaient instantanément amoureuses de nous, les hommes qui nous offraient 1000 cadeaux.

C’était le bon temps.

Maintenant, je vais entrer dans une sphère plus politique. Un corps dans lequel je n’ai pas le droit de connaitre les membres et surtout pas de m’attacher. Un corps dans lequel je serais seul.

Ça va être … différent.

J’ai peur de ne pas aimer.

...

N’importe quoi.

Allez Iimuald, reprend tes esprits.

Je scanne la pièce et regarde ce qu’il me reste à faire.

Mon dieu, que je déteste les déménagements.

 

   

 

Le soleil n’est pas encore levé quand j’arrive, masqué, dans le bureau de La Lumière.

Je suis seul.
Elle est seule.

Je mets un genou à terre mais elle me fait signe de me relever.

“10", commence-t-elle, "je suis ravie de ta promotion. Félicitation.”

Elle s’arrête pour s’assoir derrière son bureau.

“Tu fais maintenant parti du corps d’élite que l’on appelle les forces spéciales. Tu en es le plus faible, mais je n’ai aucun doute sur ta capacité à monter les échelons. “

Elle me sourie. Je lui retourne le sourire même si elle ne peut pas le voir.

Lumière est vraiment très belle.

Comme si Dieu lui même lui avait caressé la joue à la naissance. Sur son épaule dénudée se trouve le 5, signe de sa toute puissance. On dit qu’au dessus, il y a les 3 archanges et Dieu lui-même.

5 est la plus puissante d’entre nous, les mortels.

Elle est aussi la plus sage.

Depuis qu’elle est devenue Lumière, elle règne sur le pays avec bienveillance.
Notre rôle, en tant que Don de Dieu, c’est d’aider les populations, c’est de les soutenir et aussi de trouver et former les futurs Dons.

Et nous nous y employons avec bonté. Et nous sommes récompensé par la bonté des habitants.

Nous sommes acclamés, nous sommes nourris, logés, blanchis par les habitants qui nous accueille à bras ouverts.

Les femmes se pressent pour que leur bébé soit reconnu Don et tout le monde est heureux.

Je suis très fier de contribuer à ce pays.

Je …

Un bruit étrange me fait me concentrer.

Très vite, le bruit se transforme en grondement et le grondement en explosion.

La fenêtre est soufflée et nous sommes projetés, Lumière et moi, sur le sol.

Quand nous nous relevons, nous découvrons l’enfer par la fenêtre.

Au loin, un champignon de fumée noire s’élève dans le ciel.

Il pleut des cendres.

Partout.

“Oh mon dieu, il l’a fait …” souffle Lumière

Je me tourne vers elle pour voir son beau visage se fermer.

Elle soupire.

“10...

je …”

“Dites-moi. Comment puis-je aider ? Que puis-je faire ? “

Elle s’arrête et me regarde droit dans les yeux pendant un instant.

C’est comme si le temps s’était arrêté.

“Il y a un moment, un groupuscule terroriste nommé les Tanuki, a décidé qu’ils allaient renverser le pays”. Elle farfouille sur son bureau, en sort un papier, me le tends.

“depuis lors, ils m’envoient des menaces”.

Le papier est une lettre.

Moi, Chat, capitaine des Tanuki, vous ordonne de…

Lumière me reprend la lettre et la jette au milieu d’un paquet d’autres.

Je vois les mots “Chat”, “Tanuki”, “explosion”, “meurtre” et je comprends ce qu’il s’est passé.

“Le Chat a mis ses menaces à execution”.

Elle acquiesce et se raidit quand une jeune femme entre baille la porte du bureau.

“Ah, Ismaelle. Tu tombes bien. Envoie des convois à Rabnag. Je veux de l’eau, des vivres et des médicaments. S’il y a des survivants dans la ville, je veux qu’on les retrouve et qu’on s’en occupe.”

Ismaelle salue et referme la porte.

Je n’avais pas pensé aux gens. Toutes ces familles blessées, tuées. Toutes ces personnes qui ont tout perdu parce qu’un fou dangereux a décidé de faire n’importe quoi.

“Il faut arrêter le Chat”, dis-je.

C’est ça. Evidemment. C’est la seule chose à faire.

“Hélas”, dit Lumière, “ce n’est pas faute d’avoir essayé. Mais le Chat est introuvable. Jamais il ne se montre. On ne sait pas à quoi il ressemble.”

“Je le traquerais.”, dis-je.

C’est une évidence.
Dieu ne m’avait pas fait monté pour rien. Je suis passé dans les forces spéciales pour aider la Tour, pour aider mon pays.

Pour me débarrasser de la vermine.

Lumière ouvre et ferme la bouche, comme si elle voulait protester sans savoir vraiment quoi dire.

“Je ne peux pas te laisser faire ça …” souffle-t-elle.

“Je traquerais le Chat et je le ramènerai pour qu’il soit jugé. Ses crimes ne doivent pas rester impunis”.

Elle s’assoit, prend sa tête dans les mains et soupire.

“J’ai l’impression qu’il veut m’arracher ce que j’ai mis tant de temps à créer” souffle-t-elle. “Il ne s’arrêtera pas tant qu’il n’aura pas détruit tout ce que j’aime”.

Je sens la fatigue et le poids des responsabilités sur ses épaules. Des épaules trop frêles pour gouverner quand un fou furieux essaie de tout détruire.

“Je l’arrêterai pour vous” dis-je, convaincu.

Je sais que c’est idiot, mais à cet instant, je suis certain de ma réussite.

“Je vais faire en sorte que le pays se porte mieux”.

Et je le ferais. Je veux voir le bonheur sur les visages, les enfants qui jouent dans la rue, les femmes qui rient, qui dansent, qui vivent.

Sans attendre sa réponse, je tourne les talons et quitte le bureau.

Ma prochaine destination : Rabnag